Pas de crèche, mais des lutins

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Oui, je sais, c’est trop tard pour parler de Noël ! Je reviens seulement sur le dernier en date. Le temps d’un billet d’humeur, lié à des poésies d’enfants que j’ai entendues.

C’était dans un canton laïque. Un canton qui, quelques années auparavant, s’était écharpé sur l’installation d’une crèche en ville. Certaines gens s’étaient alors indignées. Une telle scène en rue, avait-on pu lire dans le courrier de lecteurs, bafouait la neutralité des lieux publics. Elle ressemblait trop à un acte missionnaire. Peut-être par peur que les non-chrétiens et autres libres penseurs ne succombent à la conversion en croisant Joseph, Marie et compagnie, il fallait interdire ce symbole. Arrière de nous la crèche ! Stop à la propagande ! On est en terre laïque. Pas de cela en ville et, bien sûr, pas à l’école non plus.

En ce Noël 2024, donc, en ce canton laïque aussi, j’ai entendu quelques voix d’enfants réciter chansons et comptines, en rimes et en pieds appris à l’école. Divers textes déballés devant le sapin. Divers textes, avec un seul sujet, le père Noël et ses lutins : les lutins enrubannant des paquets ; les lutins occupés à charger la corbeille du père Noël ; le père Noël dérangé dans son sommeil par l’activité des lutins ; le père Noël aidé par les lutins pour piloter son traîneau distributeur.

Pas d’anges de la paix. Pas de Joseph aidant. Pas de moutons donneurs de laine. Pas de Marie méditant. Pas d’enfant de l’espoir. Pas de lumière. Pas de solidarité. Pas d’humanité. Seulement des lutins affairés.

Des lutins et des cadeaux à livrer à un père Noël qui les livrera à son tour, but ultime, apogée d’un message tout droit sorti des centres commerciaux, de la société marchande, obsédée par le chiffre. Le message, le seul possible dirait-on, en terre laïque. Un message indigent. Pingre en imagination. Avare de sens. Orienté sur lui-même.

Noël laïque. Noël de lutins. Noël qui perd Noël.

Pierre-Philippe Blaser
Président du Conseil synodal

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